samedi 29 décembre 2012

L'Homme qui rit



Adapter la dense œuvre de Victor Hugo n'est pas une mince affaire... Le roman est un pavé de 800 pages. Jean-Pierre Améris (Les Emotifs anonymes) relève le pari en 1h30!
L'histoire se déroule en Angleterre, au début du XVIIIe siècle. Gwynplaine est un enfant au visage mutilé, une énorme cicatrice tranche sa bouche jusqu'aux oreilles. Abandonné, il sauve une jeune orpheline aveugle, Déa. Les deux enfants trouvent refuge dans la roulotte d'Ursus (Gérard Depardieu), forain éclairé. Les trois compères vont former une petite troupe de saltimbanques. Ensemble, ils créent un spectacle basé sur leur propre histoire: Ursus narre les malheurs de ces deux enfants qui jouent leur propre rôle. Gwynplaine (Marc-André Grondin) est un monstre condamné à se cacher ou à faire rire. Une bête de foire en somme dont seule la jeune Déa (Christa Theret), l'aveugle capable de discernement, voit la beauté. Mais Gwynplaine n'est pas en réalité un simple baladin...

Comme dans Les Émotifs Anonymes, il s'agit d'une histoire d'amour entre deux personnes hors des normes et condamnées par la société. Si l'univers des Émotifs Anonymes était coloré, la mise en scène de L'Homme qui rit est très noire, parfois trop. Cette ambiance gothique rappelle Tim Burton et sa figure du monstre (Edward aux mains d'argent). Le film joue sur les thèmes antinomiques laideur et beauté, misère et richesse, mal et bien, en écho aux personnages. 


Jean-Pierre Améris livre une conte philosophique noir et une critique acerbe des mœurs qui atteint son apogée lors du discours de Gwynplaine à la chambre des Lords. 


              
Gwynplaine (Marc-André Grondin) s'apprête à faire son discours

Tartuffe de Molière au Théâtre 95


Mise en scène de Mario Gonzalès
Collectif Masque

                                     

La première  représentation de  Tartuffe  ou l'Imposteur se déroule le  12 mars 1664  à  Versailles lors  des fastueuses fêtes des Plaisirs de l'Ile Enchantée organisées par Louis XIV.

En optant pour le masque et une mise en scène sobre, Mario Gonzalès offre une autre dimension à la pièce. L'attention est portée sur les personnages, les masques traduisent leur personnalité, celui de Tartuffe évoque la perversité à souhait. On ne saurait lui faire confiance. Il s'avère pourtant difficile de dessiller les yeux du disciple Orgon. Mario Gonzalès rappelle également aux spectateurs que Molière s'était inspiré de la Commedia dell'arte et de son comique visuel. Le comique de geste de Mariane est remarquable. Mais pour le Collectif Masque, "le masque, loin de susciter la farce, trace à traits durs les caractères d'une humanité entraînée dans une spirale infernale", c'est pour cette raison que Mario Gonzalès a choisi d'aborder la pièce sous l'angle de la sincérité. 

Le masque sied à Tartuffe, personnage de l'hypocrisie et du faux semblant, et ne manque pas de démasquer ce faux dévot qui "n'en [est] pas moins homme"!

                                        

mardi 6 novembre 2012

Dans la maison de François Ozon

Dans la maison affiche

Germain (Fabrice Luchini), professeur de français dans un lycée et son épouse Jeanne (Kristin Scott Thomas), galériste, forme un parfait couple d'intello bobo.

Professeur désabusé aussi bien par l'absurdité de l'évolution du système éducatif que par l'indigence des copies de ses élèves de seconde, Germain n'en est que plus troublé à la lecture du récit de Claude (Ernst Umhauer). Alors que ses camarades ont bafouillé quelques lignes sur une pizza consommée ou une privation de portable, Claude raconte, dans un texte bien écrit et sans faute, sa première entrée dans la maison de son camarade Rapha (Bastien Ughetto) sur un ton quelque peu condescendant. 

D'abord mal à l'aise face au caractère intrusif du texte, Germain n'en demeure pas moins fasciné. Et d'autant plus que Claude laisse son texte en suspens en annonçant "à suivre"...

Germain amène alors Claude à lire les grands auteurs et à poursuivre son travail d'écriture. Il initie l'adolescent aux techniques narratives et au schéma actanciel.

Dans une sorte de dépendance au texte, le professeur - qu'on découvrira écrivain raté - entraîne cet élève talentueux à poursuivre son intrusion dans la maison de la famille Rapha. Une famille normale de la classe moyenne, pour reprendre l'expression de Claude, dont le travail d'écrivain du jeune homme va perturber subrepticement l'équilibre.

Dans la maison est construit comme un bon roman à suspense. Que cherche l'adolescent? A prendre la place du père? Ou celle du fils? Cherche-t-il à manipuler cette famille et son professeur? Ou tout simplement est-il pris au jeu? Il arrive même au spectateur de douter de la vérité et tout comme Germain, il désire connaître la suite. L'art de François Ozon consiste à nous faire prendre un plaisir malsain, à alimenter notre voyeurisme à travers cette histoire de manipulation. On ne saurait condamner Germain tant le texte de Claude est un roman feuilleton haletant. 

Et la fin est à la hauteur d'un bon roman, comme l'a appris Germain à son élève, elle doit être à la fois surprenante mais évidente. Mais surtout le récit de Claude, tout comme le film, interroge notre rapport à l'histoire, à cet insatiable besoin de créer, de lire et de (se) raconter des histoires.

                  «Dans la maison» de François Ozon avec Ernst Umhauer et Fabrice Luchini.
           Claude (Ernst Umhauer) et son professeur (Fabrice Luchini)


dimanche 4 novembre 2012

Ted de Seth MacFarlane

                         TED - Affiche USA

Ted commence comme un conte de fées. Le petit John, enfant solitaire, fait le voeu d'avoir un ami. C'est ainsi que son cadeau de Noël, un adorable teddy bear, prend vie. Les deux personnages se promettent alors d'être "amis pour la vie".

L'ours et l'enfant grandissent. Vingt-sept ans plus tard, les deux amis ont toujours peur les soirs d'orage et vivent ensemble au grand dam de Lori (Mila Kunis), la petite amie de John (Mark Wahlberg). Après un début de conte de fées, le film change de registre et vire à la comédie potache genre Judd Apatow. Mais l'originalité de Ted réside justement entre le décalage physique de l'ours et son vocabulaire vulgaire (Joey Starr prête sa voix à la peluche dans la version française). Ted représente le pote parasite qui devient l'élément perturbateur du couple. Mais le recours à l'ours autorise ce savant mélange des genres. John doit choisir entre l'amour et l'amitié. Lori préfère dire "devenir adulte". Car il s'agit bien d'un film sur le difficile et de plus en plus tardif passage à l'âge adulte.

Ted déménage, trouve un emploi, mais sollicite toujours son ami pour faire la fête.  Ted est une véritable histoire d'amitié qui se heurte aux impératifs de la vie d'adulte: quitter le monde de l'enfance et s'engager en amour. Si John boit et fume comme un adolescent, c'est encore un grand enfant, fan de Flash Gordon.

Film de potes à l'humour graveleux, Ted s'accomplit réellement dans le conte : l'ours qui parle, le méchant kidnappeur, l'amitié et l'amour...

John et Ted, deux grands enfants!


vendredi 12 octobre 2012

Les Saveurs du palais




Si Christian Vincent s'est inspiré du parcours de Danièle Delpeuch, cuisinière de François Mitterrand à l'Elysée, ce film peut tout à fait être appréhendé comme une fiction.

Hortense Laborie (Catherine Frot) est cuisinière dans le Périgord. Au débotté, elle se retrouve à la tête de la cuisine privée du Président (Jean d'Ormesson), au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré. Alors qu'elle ne l'a croisé qu'une seule fois, un certain Paul Bocuse a soufflé son nom au Président... 

Très étonnée qu'on puisse lui confier un tel poste, Hortense accepte tout de même de relever le défi. Ainsi, le film est basé sur le thème de l'étonnement et de la surprise. Hortense est chargée de surprendre le Président qui veut "retrouver le goût des choses". Le surprendre certes, mais en cuisinant à l'ancienne, à la manière de leur grand-mère.

La cuisinière du terroir ne se laisse guère impressionnée par le faste et les guerres d'ego. Dotée d'un fort caractère et d'une certaine froideur (du moins dans la partie qui retrace son parcours à l'Elysée), elle n'hésite pas à s'imposer et à défendre ses choix dans ce monde d'hommes. Les relations difficiles qu'elle entretient avec Monsieur Lepiq, chef de la cuisine centrale, relèvent à la fois de la rivalité et de la misogynie. Les Saveurs du palais révèle également l'absurdité des protocoles et l'hypocrisie de ce microcosme.

Mais le principal intérêt du film réside dans cette démonstration culinaire anti-diététique et onéreuse. Hortense est une véritable cuisinière dans le sens où elle cultive ses images littéraires avant la mise en bouche. C'est ainsi que nous pouvons réellement parler d'art culinaire qui représente un savoir-faire et un imaginaire apte à mettre aussi bien en mot qu'en bouche. C'est la raison pour laquelle, ce Président cultivé, personnage évanescent happé par ses obligations, veut prendre le temps de savourer un bon repas et de l'évoquer. Et si le titre, Les Saveurs du palais, joue sur la polysémie du substantif "palais", il suggère avant tout cette sensation délicate qu'est le goût...


Hortense  Laborie  (Catherine Frot)  et  le
Président (Jean d'Ormesson)                 


dimanche 23 septembre 2012

Rebelle

rebelle-brave-film-cinema-avis-critique-pixar-disney-affiche

A bas  les  princesses! Voici  la  première héroïne  de  Disney-Pixar qui met à mal le sacro-saint statut!
Merida, jeune princesse des Highlands d'Ecosse, entend bien prendre en main ses choix de vie. Lorsque sa mère, la reine Elinor, la somme de choisir un mari, Merida se rebelle! Et on la comprend en voyant ses trois prétendants...
Héroïne moderne, la jeune femme est un véritable garçon manqué qui manie l'arc! Par conséquent, elle ne correspond pas à la norme sociale. Défiant la tradition millénaire, son appel à la sorcellerie ne sera pas sans conséquences...

Premier film d'animation féministe, les femmes ont du caractère et sont au premier plan. Loin des habituelles mégères ou nunuches, elles sont ici habitées par une quête d'idéal. La reine Elinor est   une main de fer dans un gant de velours respectant les traditions tandis que sa fille  a le courage de revendiquer sa liberté.
Les seconds rôles masculins  sont néanmoins très  drôles et extravagants : le roi Fergus, combattant radotant, les petits frères  gloutons et les pères prêts à tout pour "vendre" leur fils.

Des rôles inversés, des hommes et des femmes à contre-emploi font de Rebelle un film d'animation étonnamment moderne! 

                    Rebelle (2012)
               La princesse Merida et la reine Elinor


samedi 25 août 2012

Le Journal de mon père de Jirô Taniguchi


Taniguchi-Le-Journal-de-mon-pere-couv.jpg

Edité en recueil en 1995 au Japon, la première édition française du Journal de mon père est parue en 3 tomes (1999-2000) chez Casterman.

C'est avec émotion et pudeur que Jirô Taniguchi aborde le thème poétique du retour au pays natal. Le héros, Yoichi, a volontairement tiré un trait sur son passé et la ville de son enfance, Tottori. L'annonce de la mort de son père va réveiller en lui de douloureux souvenirs. Le divorce de ses parents qui fut une véritable déchirure entre l'abandon de la mère, le mutisme du père et le refuge du jeune garçon dans le sport. C'est la raison pour laquelle Yoichi choisit de partir effectuer ses études de photographie à Tokyo, loin des siens.

Ce drame familial permet à l'auteur d'explorer d'autres thèmes: celui de la mémoire et de la filiation, l'incapacité à communiquer et à se comprendre. Comme dans Un Ciel radieux (Casterman, 2006), le père se tue au travail dans un souci d'honneur au risque d'attirer l'incompréhension des siens. Bien avant le décès du père, le thème de la mort est omniprésent, à travers la première expérience de la mort de Yoichi lors du décès de Chiro, la chienne bien-aimée. 

Lors de son retour, pendant la veillée funèbre, le héros remonte le fil de sa mémoire avec l'aide bienveillante de ses proches. Il découvre son père et sa gentillesse, une facette jusque-là méconnue. Cette gentillesse fait doucement écho à ce souvenir paisible où le petit Yoichi jouait calmement avec ses voitures sur le plancher du salon de coiffure de son père.

Taniguchi Le Journal de mon père

Dans ce récit chapitré, entre présent et passé, Jirô Taniguchi traite du regret, toujours avec sensibilité, et offre une ode à la cellule familiale et au pays natal ancrés dans nos coeurs. 

dimanche 15 juillet 2012

Le grand soir



Encore une fois, le duo grolandais Benoît Delépine/Gustave Kervern (Louise-Michel en 2008, Mammuth en 2010) nous offre une comédie sociale déjantée.



Le grand soir, c'est l'histoire de deux frères, incarnés par Albert Dupontel et Benoît Poelvoorde (casting très prometteur). Le premier, Jean-Pierre Bonzini, est vendeur dans un magasin de literie. Le second, Not (il a renié son véritable prénom depuis longtemps) accompagné de son "berger punk" erre sans but et sans entrave dans la zone commerciale, se définissant comme "le plus vieux punk à chien d'Europe". Lorsque Jean-Pierre perd son travail, il se retrouve confronté à l'univers de son frère, celui de la marge et du nihilisme. 


Mais la petite révolution qu'ils vont mener, n'est-elle pas celle d'une quête de sens et de reconnaissance plutôt que de liberté?


Les fans de l'univers Delépine/Kervern apprécieront également la BO euphorisante (Les Wampas, Brigitte Fontaine et Les garçons bouchers) et la qualité des seconds rôles: Brigitte Fontaine et Areski Belkacem, les parents déglingués, Bouli Lanners, vigile désabusé mais prévenant, et les autres, Gérard Depardieu, Yolande Moreau et Miss Ming, galerie improbable de personnages découragés.

samedi 16 juin 2012

Bienvenue parmi nous


Comme souvent chez Jean Becker (Dialogue avec mon jardinier en 2007, La Tête en friche en 2010), il s'agit d'une histoire d'amitié. 
Et Jean Becker réussit à nouveau à créer un couple improbable: Tallandier (Patrick Chesnais), vieux peintre en mal d'inspiration et au bord du suicide et Marylou (Jeanne Lambert, jeune actrice comparée à Sophie Marceau), adolescente issue d'un milieu défavorisé et rejetée par sa mère. 
Ces deux éclopés de la vie vont s'aider l'un l'autre et trouver auprès de l'un ce que leur famille leur refuse : la compréhension. Tallandier, dont la dépression est mal vécue par ses proches, incapables de comprendre qu'on puisse déprimer lorsque qu'on a tout, se sentira revivre auprès de cette adolescente pas gâtée par la vie. La légèreté de Marylou, son franc-parler et ses encouragements vont redonner à Tallandier le goût de créer. De son côté, Marylou va trouver en cet artiste la protection et l'affection d'un père qu'elle n'a jamais eues. À l'instar de La Tête en friche, il s'agit de l'histoire d'un sauvetage et d'une amitié intergénérationnelle, même si la frontière entre amour et amitié est un peu floue : Marylou devient la muse de l'artiste et ses rapports positifs avec ce dernier lui redonne confiance en la gent masculine. 

Le film oscille entre émotion (tentative de suicide de Tallandier, problèmes familiaux de Marylou) et humour (bêtise des commerçants, joutes verbales entre les deux personnages) pour délivrer un message simple et positif porté avec justesse par les deux comédiens, d"après le roman d'Eric Holder.

mardi 27 mars 2012

Bénabar au Zénith


Au Zénith de Paris les 22, 23 et 24 mars, Bénabar propose à son public un nouveau spectacle. Ne vous fiez pas aux décors, lumières et costumes kitsch, l'artiste s'est bel et bien embourgeoisé. Affublé de deux choristes qui interviennent sans cesse et dénaturent les chansons, le chanteur mise aussi sur son humour douteux sur les femmes et l'argent. Car Bénabar aujourd'hui a de l'argent et nous le dit... Rien à voir avec la sobre tournée de 2004 où le chanteur mettait en avant ses textes et sa musique.

Pourquoi tout ce fatras alors que Bénabar se suffisait à lui-même en tant que chanteur de l'anecdotique à l'instrumentation personnalisée? En effet, on doit les meilleurs moments du concert aux classiques comme Adolescente, A notre santé, Dis-lui oui, Je suis de celles, etc. Mais pourquoi cette cacophonique interprétation du dîner avec les Gipsy Kings? Bénabar a privilégié le spectacle à la musique.

En voulant devenir le chanteur engagé des bobos trentenaires, Bénabar à perdu son charme et son empreinte et livre un show finalement bien "politiquement correct"... Le doute oui,  mais sans les bénéfices!

lundi 5 mars 2012

Agenda cuturel mars 2012

Le mois de mars est riche en manifestations culturelles nationales:

• Printemps des Poètes du 5 au 18 mars 2012 sur le thème "Enfances"






Semaine de la presse et des médias dans l'école du 19 au 24 mars 2012 sur le thème "Des images pour informer"







•Salon du livre de Paris du 16 au 19 mars 2012





Cette année, cinq thèmes sont proposés:
-Les lettres japonaises
-La ville de Moscou
-Du livre au film
-Le Livre dans la Cité
-La culture Manga


La visite est gratuite pour les groupes scolaires et leurs accompagnateurs.

dimanche 29 janvier 2012

CDI et professeur documentaliste!


img455


img456
Okapi, n°928.


A lire aussi les pages consacrées au professeur documentaliste : Pica et Erroc, Les Profs, tome 13.


jeudi 26 janvier 2012

39e festival international de la BD d'Angoulême


Le 39ème festival international de la BD se déroulera à Angoulême du 26 au 29 janvier 2012. A l’honneur cette année, l’Europe (exposition : l’Europe se dessine), l’Espagne (exposition : Tebeos - Les bandes dessinées espagnoles), la Suède (exposition : la bande dessinée suédoise), Taïwan (spécial Taïwan) et Art Spiegelman, président du jury du festival 2012 (rétrospective de son œuvre).